Malgré la résistance du Conseil d’Etat dans sa décision récente du 30 septembre 2019, la loi ELAN prévoit l’applicabilité du principe de la cristallisation de la règle d’urbanisme pendant cinq ans pour les lotissements, y compris en cas d’annulation contentieuse du document d’urbanisme.
L’obtention d’une décision de non-opposition à déclaration préalable ou de permis d’aménager pour un projet de lotissement ouvre droit à la cristallisation des règles d’urbanisme pendant une période de cinq ans.
Ainsi, les permis de construire sollicités pour les lots aménagés ne pourront être refusés ou assortis de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d’urbanisme nouvelles.
Ce principe de cristallisation des règles pendant cinq ans est fixé à l’article L 442-14 du code de l’urbanisme et le Conseil d’Etat le rappelle régulièrement :
« Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le document d'urbanisme applicable aux demandes de permis de construire présentées dans le cadre d'un lotissement est celui en vigueur à la date à laquelle a été délivrée l'autorisation de lotir et ce, pendant un délai de cinq ans à compter de la réception, par l'administration, de la déclaration d'achèvement du lotissement ; que, durant ce délai, les dispositions des documents d'urbanisme intervenues postérieurement à l'autorisation de lotissement ne sont pas opposables aux demandes de permis de construire » (Conseil d’Etat, 19 juillet 2017, n° 396775).
Cependant, la question s’est posée de savoir si ce principe devait recevoir application en cas d’annulation juridictionnelle du document d’urbanisme en vigueur.
Dans ce cas, en application de l’article L 600-12 du code de l’urbanisme, les dispositions immédiatement antérieures sont remises en vigueur.
Quid du principe de cristallisation des règles pendant cinq ans ?
La Cour Administrative d’Appel de Bordeaux a estimé que la garantie de stabilité des règles d’urbanisme instituée par l'article L 442-14 du code de l'urbanisme doit s'entendre comme faisant obstacle à ce qu'un permis de construire soit ultérieurement refusé sur le fondement d'un document d'urbanisme remis en vigueur en application de l'article L 600-12 du code de l'urbanisme à la suite d'une annulation contentieuse intervenue postérieurement.
Le Conseil d’Etat sanctionne cet arrêt pour erreur de droit et considère à l’inverse que le principe de cristallisation ne joue pas en cas d’annulation contentieuse du document d’urbanisme intervenue postérieurement à la déclaration préalable ou au permis d’aménager (Conseil d’Etat, 30 septembre 2019, n°421889).
Cette décision est d’autant plus intéressante qu’elle intervient après l’entrée en vigueur de la loi ELAN du 23 novembre 2018.
En effet, cette loi a ajouté un alinéa à l’article L 442-14 du code de l’urbanisme pour permettre justement l’application du principe de cristallisation en cas d’annulation contentieuse du document d’urbanisme : « L'annulation, totale ou partielle, ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale pour un motif étranger aux règles d'urbanisme applicables au lotissement ne fait pas obstacle, pour l'application du présent article, au maintien de l'application des règles au vu desquelles le permis d'aménager a été accordé ou la décision de non-opposition a été prise ».
Cette disposition est entrée en application pour les autorisations d’urbanisme délivrées à partir du 1er janvier 2019, date d’entrée en vigueur de la loi.
Dans son arrêt précité du 30 septembre 2019, le Conseil d’Etat cite l’article pour en écarter l’application et juger en sens inverse, puisque les faits se situaient antérieurement à l'entrée en vigueur du nouveau texte.
Pour l’avenir, la loi ELAN a tranché en faveur de la stabilité des décisions d’urbanisme.