La loi ELAN, votée définitivement le 23 novembre 2018, a assoupli la portée des avis de l’ABF dans certains cas particuliers. Une brèche dans les pouvoirs de ces « gardiens du patrimoine » qui a suscité de nombreuses réactions. Qu’en est-il exactement ?
Les Architectes des Bâtiments de France (ABF) veillent sur le patrimoine français depuis 1946. Ils ont pour mission d’entretenir et conserver les bâtiments, protégés ou non.
Lorsqu’un projet d’urbanisme est envisagé dans les espaces protégés ou aux abords des monuments historiques, l’autorisation de construire ne peut être délivrée qu’avec son avis dit «conforme ».
Il convient en effet de distinguer l’avis simple, de l’avis conforme.
Lorsqu’un avis simple est requis, l’administration qui délivre l’autorisation d’urbanisme peut passer outre un avis défavorable de l’ABF (par exemple, en cas de projet situé aux abords d’un monument historique mais hors du périmètre de protection et sans covisibilité).
En revanche, l’avis de l'ABF est dit conforme, c'est-à-dire qu’il s’impose à l’autorité compétente, pour la plupart des projets situés en espaces protégés (que sont les abords des monuments historiques ou un Site Patrimonial Remarquable (SPR)).
Qu’est-ce qui change avec la Loi ELAN ?
L’article 56 de la loi ELAN, codifié aux articles L632-2 et L632-2-1 du code du patrimoine, opère un glissement de l’avis conforme à l’avis simple dans quatre cas.
Le texte précise que désormais, dans les secteurs protégés au titre du patrimoine (abords des monuments historiques et SPR), l’autorisation d’urbanisme est soumise à l’« avis » - et non plus « l’accord »- de l’ABF lorsqu’elle porte sur :
Les points 2°, 3° et 4° concernent les immeubles déclarés dangereux ou insalubres.
Désormais donc, en secteur protégé, quand le chantier prévu concernera un immeuble d’habitation jugé insalubre ou menaçant ruine, ne sera requis que « l’avis » (simple) de l’ABF.
De même, les ABF n’émettront également qu’un avis (simple) sur l’installation des antennes relais.
La loi ELAN enfonce donc un coin dans le grand principe de la protection des monuments, en mettant en avant des impératifs de sécurité et une volonté affichée d’assurer la couverture numérique du territoire.
Certains s’inquiètent de l’avenir de certains centres-villes français, protégés au titre du patrimoine mais également dans un état de dégradation avancée du fait du manque de moyens financiers ou du manque d’entretien d’immeubles par des « marchands de sommeil » peu scrupuleux…
L’ELAN pris par le législateur n’est donc pas anodin… en espérant que ce ne soit pas au détriment de la protection du patrimoine français.