Dans un arrêt du 7 avril 2021, le Conseil d’Etat précise la notion d’espace remarquable et le contrôle opéré sur celle-ci par le juge (CE, 7 avril 2021, n° 428233).
Cette notion d’espace remarquable est aujourd’hui régie par les articles L 121-23 à L 121-26 et R 121-4 à R 121-6 du code de l’urbanisme issus de la loi littoral (anciens articles : L 146-6 et R 146-1 et R 146-2 du code de l’urbanisme).
L’article L 121-23 du code de l’urbanisme dispose :
« Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques.[..] »
Un décret repris aujourd’hui à l’article R 121-4 du code de l’urbanisme établit la liste des espaces et milieux à préserver.
En application de ces dispositions, les espaces remarquables sont sélectionnés par les communes ou établissements publics de coopération intercommunale en charge de les identifier et les délimiter dans les SCoT et les PLU, en croisant 2 critères :
- Ces espaces doivent appartenir à la liste de l’article R 121-4 du code de l’urbanisme
Et
- Ces espaces doivent au choix :
Pour le juge administratif, la nécessité de la protection des espaces remarquables identifiés et délimités en application des dispositions précités, justifie l’interdiction de principe de toute forme de construction.
En ce sens: CE, 14 janv. 1994, n° 127025.
A cette interdiction de principe, les articles L 121-24 à L 121-26 du code de l’urbanisme sont venus apporter quelques légères exceptions :
- des aménagements légers peuvent, sous condition, être implantés dans ces espaces « lorsqu'ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public, et qu'ils ne portent pas atteinte au caractère remarquable du site ». La liste limitative de ces derniers est établie par le décret n° 2019-282 du 21 mai 2019 ;
- ces espaces remarquables peuvent accueillir l’atterrage des canalisations et leurs jonctions nécessaires à l’exercice des missions de service public définies à l’article L 121-4 du code de l’énergie ou à l’établissement de réseaux ouverts au public de communications électroniques ;
- ces espaces remarquables peuvent faire l’objet de travaux ayant pour objet leur conservation ou leur protection.
Dans l’affaire que le Conseil d’Etat avait à juger, celui-ci a été amené à préciser le contrôle qu’il opère sur cette identification d’espaces remarquables et sur la notion même.
En l’espèce, les requérants demandaient l’annulation de la délibération du conseil municipal approuvant le PLU de la commune au double motif que ce PLU créait un emplacement réservé pour la réalisation d’une voie publique sur des parcelles présentant selon eux le caractère d’espaces remarquables et en tant que ce PLU ne classait pas ces parcelles en espaces boisés classés.
Saisi d’un nouveau pouvoir en cassation sur cette affaire, le Conseil d’Etat a alors opéré un contrôle de la qualification juridique des faits sur le point de savoir si ces parcelles formaient ou non un espace remarquable.
Il est à noter que les parcelles en litige étaient boisées et se situaient en continuité d’un bois lui-même classé espace remarquable en raison de son caractère pittoresque.
Le Conseil d’Etat a jugé que :
« […] Il ressort toutefois des pièces du dossier soumis au juge du fond que ces parcelles, dont il n'est pas contesté qu'elles ne constituent pas, par elles-mêmes, un espace remarquable, sont situées au pied du bois des Pierres blanches, dans un secteur caractérisé par une forte déclivité et bordé de plusieurs constructions importantes faisant écran, ne sont pas visibles du littoral, contrairement à ce bois, et ne sont pas nécessaires à la préservation de l'espace remarquable pittoresque du bois des Pierres blanches, avec lequel, elles ne constituent pas, par suite, une unité paysagère. Dès lors, en jugeant que les auteurs du plan local d'urbanisme avaient commis une erreur d'appréciation en ne classant pas ces parcelles en espace remarquable au titre des dispositions précitées, la cour a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis. […] »
Il ne suffit pas que les parcelles en litige soient situées en continuité d’un espace remarquable pour être identifiées comme tel.
Par ailleurs, le Conseil d’Etat a jugé que ne constituant pas une unité paysagère avec le bois voisin, les parcelles en litige n’avaient pas à être classées en espaces boisés classés.
Il revient donc au juge d’apprécier les caractéristiques propres de chaque parcelle aux fins de les identifier ou non en tant qu’espace remarquable au regard des critères permettant de les définir.