Décrite comme la régularisation à l’intérieur du prétoire par un jugement d’avant dire-droit, la procédure de l’article L600-5-1 permet au Juge administratif, lorsqu’il constate l’existence d’un vice entachant la régularité de l’autorisation d’urbanisme contestée, de surseoir à statuer jusqu’à l’expiration d’un délai qu’il fixe pour régularisation. Par son arrêt du 16 février 2022 (n°420554), le Conseil d’Etat est venu affiner les contours de cette procédure.
Aux termes de l’article L600-5-1 : « Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. »
En premier lieu, l’arrêt commenté répond à la question suivante : qui des mesures de régularisation versées à la procédure postérieurement à l’expiration du délai fixé par le Juge pour permettre cette régularisation ?
Sur ce point, le Conseil d’Etat fait preuve de souplesse, comme souvent lorsqu’il s’agit de permettre la régularisation d’une décision d’urbanisme.
Ainsi, il est jugé que « si, à l'issue du délai qu'il a fixé dans sa décision avant dire droit pour que lui soient adressées la ou les mesures de régularisation du permis de construire attaqué, le juge peut à tout moment statuer sur la demande d'annulation de ce permis et, le cas échéant, y faire droit si aucune mesure de régularisation ne lui a été notifiée, il ne saurait se fonder sur la circonstance que ces mesures lui ont été adressées alors que le délai qu'il avait fixé dans sa décision avant dire droit était échu pour ne pas en tenir compte dans son appréciation de la légalité du permis attaqué ».
Autrement dit, le délai imparti par le Juge n’est pas impératif et le pétitionnaire peut verser les pièces relatives à la régularisation après l’expiration de ce délai. Toutefois, il prend un risque puisqu’à tout moment après l’expiration du délai imparti, le Juge peut statuer sur la demande d’annulation au regard des seuls éléments qui sont en sa possession à la date à laquelle il statue.
Pour s’assurer de l’absence de rupture du point d’équilibre entre les parties, le Conseil d’Etat ajoute que de leur côté, les requérants peuvent contester la ou les mesures de régularisation « sans condition de délai ».
En second lieu, l’arrêt du 16 février 2022 vient fixer le cadre dans laquelle doit se cantonner le débat après que le pétitionnaire ait versé la ou les mesures de régularisation.
Dans un arrêt du 18 juin 2014 (n°376760), le Conseil d’Etat avait déjà jugé qu’ « à compter de la décision par laquelle le juge fait usage de la faculté de surseoir à statuer ouverte par l'article L. 600-5-1, seuls des moyens dirigés contre le permis modificatif notifié, le cas échéant, au juge peuvent être invoqués devant ce dernier. »
Le Conseil ne dit pas autre chose dans son arrêt de 2022. Ainsi, « les parties peuvent, à l’appui de la contestation de l’acte de régularisation, invoquer des vices qui lui sont propres et soutenir qu’il n’a pas pour effet de régulariser le vice que le juge a constaté dans sa décision d’avant dire droit ».
Afin de lever toute ambiguïté, il est encore précisé : « Elles [Les parties] ne peuvent en revanche soulever aucun autre moyen, qu'il s'agisse d'un moyen déjà écarté par la décision avant dire droit ou de moyens nouveaux, à l'exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation. »
Cette solution est logique au regard d’une jurisprudence déjà établie selon laquelle le Juge administratif doit, lorsqu’il fait usage des pouvoirs qu’il tient de l’article L 600-5-1 du code de l’urbanisme, se prononcer sur « l’ensemble des moyens qu’il estime non fondés » dans sa décision d’avant dire droit, laquelle est d’ailleurs susceptible d’appel indépendamment de la suite de la procédure (en ce sens : Conseil d’Etat, 5 fév. 2021, n°430990).