Dans un avis du 2 octobre 2020, le Conseil d’Etat a précisé l’articulation entre les articles L 600-12 et L 600-12-1 du code de l’urbanisme relatifs à l’annulation des documents d’urbanisme et leur effet sur les autorisations d’urbanisme d’ores et déjà délivrées (CE, 2, oct. 2020, n° 436934).
L’article L 600-12 du code de l’urbanisme dispose :
« Sous réserve de l'application des articles L. 600-12-1 et L. 442-14 » l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale a pour effet de remettre en vigueur le schéma de cohérence territoriale, le plan local d'urbanisme, le document d'urbanisme en tenant lieu ou la carte communale immédiatement antérieur. »
L’article L 600-12-1 du code de l’urbanisme dispose quant à lui :
« L'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale sont par elles-mêmes sans incidence sur les décisions relatives à l'utilisation du sol ou à l'occupation des sols régies par le présent code délivrées antérieurement à leur prononcé dès lors que ces annulations ou déclarations d'illégalité reposent sur un motif étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet.
Le présent article n'est pas applicable aux décisions de refus de permis ou d'opposition à déclaration préalable. Pour ces décisions, l'annulation ou l'illégalité du document d'urbanisme leur ayant servi de fondement entraîne l'annulation de ladite décision. »
Dans cet avis du 2 octobre 2020, le Conseil d’Etat offre un mode d’emploi à la lecture et l’application de l’article L 600-12-1 et à l’interprétation que nous devons faire de l’article L 600-12 du code de l’urbanisme.
Sur le fondement de l’article L 600-12-1 du code de l’urbanisme, le Conseil d’Etat rappelle que « il appartient au juge, saisi d'un moyen tiré de l'illégalité du document local d'urbanisme à l'appui d'un recours contre une autorisation d'urbanisme, de vérifier d'abord si l'un au moins des motifs d'illégalité du document local d'urbanisme est en rapport direct avec les règles applicables à l'autorisation d'urbanisme. »
Autrement dit, il appartient au juge de vérifier si l’un au moins des motifs d’illégalité du document local d’urbanisme ne repose pas sur un « motif étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet ».
En effet, s’il n’existe aucun motif d’illégalité du document local d’urbanisme qui soit en rapport direct avec les règles applicables à l’autorisation d’urbanisme d’ores et déjà délivrée en litige, l’annulation du document d’urbanisme sur ce motif sera sans incidence sur l’autorisation d’urbanisme délivrée.
Le juge de la juridiction suprême opère une distinction entre légalité externe et légalité interne aux fins d’évaluer ce qui relève ou non d’un motif étranger aux règles d’urbanisme applicable au projet.
Par principe, un vice de légalité externe est étranger au projet sauf s’il a été de nature à exercer une influence sur les règles applicables au projet. En ce sens : CE, 23 déc. 2011, n° 335033.
A l’inverse, un vice de légalité interne est, par principe, un motif qui n’est pas étranger au projet sauf s’il concerne des règles qui ne sont pas applicables au projet.
Par suite, le Conseil d’Etat précise l'articulation des dispositions des articles L. 600-12 et L. 600-12-1 du code de l’urbanisme si le document local d’urbanisme est annulé ou déclaré illégal pour un ou plusieurs motifs non étrangers aux règles d’urbanisme applicable au projet en cause.
Le Conseil d’Etat identifie 3 cas de figures :
- dans le cas où ce ou ces motifs affectent la légalité de la totalité du document d'urbanisme : la légalité de l'autorisation contestée doit être appréciée au regard de l'ensemble du document immédiatement antérieur ainsi remis en vigueur
- lorsque ce ou ces motifs affectent seulement une partie divisible du territoire que couvre le document local d'urbanisme : ce sont les dispositions du document immédiatement antérieur relatives à cette zone géographique qui sont remises en vigueur
- si ce ou ces motifs n'affectent que certaines règles divisibles du document d'urbanisme : la légalité de l'autorisation contestée n'est appréciée au regard du document immédiatement antérieur que pour les seules règles équivalentes nécessaires pour assurer le caractère complet et cohérent du document.
Le Conseil d’Etat a en effet précisé ce qu’il fallait entendre par règle divisible du document d’urbanisme :
« S'agissant en particulier d'un plan local d'urbanisme, une disposition du règlement ou une partie du document graphique qui lui est associé ne peut être regardée comme étant divisible que si le reste du plan forme avec les éléments du document d'urbanisme immédiatement antérieur le cas échéant remis en vigueur un ensemble complet et cohérent. »
Enfin, le Conseil d’Etat rappelle que « lorsqu'un motif d'illégalité non étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet est susceptible de conduire à remettre en vigueur tout ou partie du document local d'urbanisme immédiatement antérieur, le moyen tiré de l'exception d'illégalité du document local d'urbanisme à l'appui d'un recours en annulation d'une autorisation d'urbanisme ne peut être utilement soulevé que si le requérant soutient également que cette autorisation méconnaît les dispositions pertinentes ainsi remises en vigueur. »
Autrement dit, pour que le moyen tiré de l’exception d’illégalité du document local d’urbanisme soit efficient et opportun, il appartient au requérant, outre de démontrer un motif d’illégalité non étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet en litige aux fins de remettre en vigueur tout ou partie du document d’urbanisme immédiatement antérieur, de soutenir et démontrer que l’autorisation d’urbanisme en litige méconnaît également les dispositions remises en vigueur par l’effet de l’article L 600-12 du code de l’urbanisme.